Arnaud Natal

Arnaud Natal est impliqué dans les activités de l’Observatoire des Dynamiques Rurales et des Inégalités en Inde du Sud (ODRIIS, voir https://odriis.hypotheses.org/) et il a notamment effectué un séjour de longue durée à l’Institut Français de Pondichéry, en Inde, afin de développer les activités de l’Observatoire et d’accélérer la mise à disposition pour tous des données collectées depuis 2010.

Il est co-porteur du projet Inégalités et mobilités en Inde rurale : tendances récentes et défis méthodologiques – IMIR2024 (AAP MSHBx 2024) avec Quentin Chapus (UMR 5115 LAM, CNRS Université Bordeaux Montaigne, Université de Bordeaux, Sciences Po Bordeaux).

---

[Portrait]

Quel est votre parcours ?

Je suis économiste et occupe actuellement le poste d’assistant temporaire d’enseignement et de recherche à l’Université de Bordeaux, où je suis affilié au laboratoire Bordeaux Sciences Économiques. Par ailleurs, je suis chercheur affilié à l’Institut Français de Pondichéry en Inde. Depuis 2019, je participe activement aux activités de l’Observatoire des Dynamiques Rurales et des Inégalités en Inde du Sud (ODRIIS, voir https://odriis.hypotheses.org/). J’ai notamment effectué un séjour de longue durée à l’Institut Français de Pondichéry, où l’ODRIIS est hébergé. J’ai soutenu ma thèse de doctorat intitulé « Dette, Travail et Cognition : Interactions Microéconomiques en Inde Rurale du Sud » en décembre 2023 à l’Université de Bordeaux.

Quelles sont les thématiques de recherche sur lesquelles vous travaillez ?

Mes travaux de recherche se concentrent sur les dynamiques rurales en Inde du Sud et plus précisément sur la question de l’endettement des ménages. Je considère l’endettement des ménages tantôt comme un résultat et tantôt comme un déterminant du comportement économique des ménages et des individus, ce qui me permet d’approcher une analyse holistique de l’endettement des ménages et des individus. Mes travaux se concentrent, d’une part, sur les déterminants cognitifs de l’endettement et plus particulièrement sur les traits de personnalité du Big Five, le locus de contrôle (degré selon lequel un individu croit pouvoir influencer et maîtriser les événements de sa vie) et les compétences cognitives. D’autre part, j’analyse les effets de la dette sur l’offre de travail des ménages et des individus. Je porte aussi une importance particulière à la bonne mesure des phénomènes étudiés, c’est pourquoi une partie de mes recherches se concentre sur les aspects méthodologiques de la mesure de l’endettement des ménages et des traits de personnalité.

Quelles sont les grandes questions qui animent les chercheurs sur le thème des dynamiques rurales en Inde ?

La société indienne a connu des changements importants depuis les années 1990, portés par un ensemble progressif de réformes en faveur d’une économie de marché et de l’intégration du pays dans l’économie mondiale. Cependant, malgré une croissance économique exceptionnelle au cours des dernières décennies, l’Inde reste en proie à de fortes inégalités et au poids des institutions sociales telles que la caste, la famille ou le sexe. Dans le contexte indien, il est impossible de comprendre la progression de ces inégalités sans étudier en détail la transformation de l’agriculture et de l’emploi, des pratiques financières, des réseaux et savoirs sociaux et des écosystèmes locaux. Ces dynamiques connaissent un intérêt grandissant au sein de la communauté des chercheurs en sciences sociales depuis quelques années. Une question de recherche centrale concerne la capacité à mesurer avec précision ces inégalités et leur complexité, dans la mesure où elles tendent à échapper aux enquêtes traditionnelles, qu’elles soient nationales ou internationales. C’est pourquoi, aujourd’hui, une communauté de chercheurs en expansion, en plus d’analyser ces dynamiques rurales, initie des projets visant à recueillir des données longitudinales en Inde[1].

Est-ce qu’il y a des questions ou des travaux que vous souhaiteriez nous présenter ?

Dans un document de travail récent[2], M. Di Santolo, I. Guérin, S. Michiels, C. Mouchel, C. J. Nordman, Venkatasubramanian et moi-même détaillons l’outil de collecte de données longitudinales NEEMSIS (voir https://neemsis.hypotheses.org/) et dressons un panorama des principales dynamiques rurales à l’œuvre depuis 2010. Grâce aux données collectées par l’enquête NEEMSIS en 2010, 2016-17 et 2020-21, nous constatons, par exemple, une augmentation continue des niveaux d’éducation tout au long de cette décennie.

Par ailleurs, les revenus annuels des ménages ont augmenté par rapport à 2010, malgré la démonétisation indienne de novembre 2016 et la crise du COVID-19 en 2020-21. Cependant, les inégalités entre les groupes de castes se sont accentuées. Les Dalits (ex-intouchables) présentent les taux de croissance des revenus les plus faibles, tandis que les castes moyennes enregistrent les taux les plus élevés. En conséquence, le fossé en termes de revenus annuels entre les Dalits et les non-Dalits s’élargit.

Nous observons également une diminution de la proportion de travailleurs agricoles occasionnels au cours de la décennie, au profit d’une augmentation des travailleurs réguliers, suggérant des améliorations potentielles dans les formes d’emploi. Néanmoins, les Dalits sont systématiquement confinés à des emplois élémentaires et mal rémunérés, une tendance qui se renforce. Ces emplois, qu’ils soient agricoles ou non, sont systématiquement liés aux pires conditions de travail.

Enfin, le recours à l’endettement est une constante pour toutes les castes, avec des montants moyens dépassant plus d’un an de revenus. Sur la décennie, l’augmentation de la dette privée a surpassé les 60 %. Une diminution de l’endettement pour des raisons sociales, comme le mariage, associée à une augmentation de l’endettement pour les dépenses courantes, révèle une détérioration des conditions de vie dans la région étudiée.

---

[1] Himanshu, Jha, P., & Rodgers, G. (Eds). (2016). The Changing village in India: Insights from Longitudinal Research. Oxford University Press. https://doi.org/10.1093/acprof:oso/9780199461868.001.0001

[2] Di Santolo, M., Guérin, I., Michiels, S., Mouchel, C., Natal, A., Nordman, C. J., & Venkatasubramanian, G. (2024). Ten Years in Tamil Nadu: Exploring Labour, Migration and Debt from Longitudinal Household Surveys in South India (Working Paper No. DT/2024-02). DIAL. Paris, France.

---

---