Présentation des séminaires “Décolonial et universel : perspectives croisées”

Ce séminaire est parti d’une envie de lire des textes en commun, qui sont souvent complexes et que nous avons du mal à lire seul·e ou qui nous dérangent, nous inquiètent, viennent bouleverser nos habitudes de pensées. Trop souvent à l’université, nous n’avons pas d’espace où nous pouvons lire en commun, en assumant une position d’apprenant. Ce séminaire se veut un lieu d’étude collectif.
Il se démarque des débats français autour du « wokisme » : nous ne nous situons pas dans ces polémiques hexagonales et nous assumons d’aller à la source des théories et des pratiques décoloniales, en partant des textes fondateurs pensés et écrits souvent depuis l’Amérique du Sud. Nous laissons à d’autres le soin de traiter de ces paniques morales, que ce soit Alex Mahoudeau dans La panique woke. Anatomie d’une offensive récationnaire, ou Yann Moulier Boutang et Sandra Laugier dans « Décolonial, vous avez dit décolonial ? ». Nous préférons nous concentrer sur des textes fondateurs du décolonial ou plus récents qui nous confrontent aux complexités de ces pensées et aux liens fructueux qu’ils peuvent nous proposer.
Notre regard est informé par nos différents champs d’études le plus souvent dans et sur l’Afrique. La question de la transversalité et de la comparabilité de l’Afrique est donc primordiale pour nous dans l’étude des textes. Chercheuses et chercheurs travaillant sur l’Afrique principalement, nous sommes particulièrement sensibles aux définitions de la colonialité du pouvoir données par Anibal Quijano, qui est articulée à la notion de Modernité. La décolonialité épistémique, comme mouvement de déprise, se caractérise par un « nettoyage de la colonialité de l’Être et du savoir, la déconnexion d’avec le sortilège de la rhétorique de la modernité, de son imaginaire impérial articulé à la rhétorique de la démocratie » (Walter Mignolo, lu et commenté par Michel Cahen).
Nous nous sommes donnés les règles suivantes :
Ce séminaire est un séminaire de lectures théoriques et critiques. Il ne s’agit pas de produire un savoir « par en haut », mais plutôt de proposer des pistes de lectures de manière horizontale. La ou les personnes chargées de l’introduction de la séance présentent l’auteur, les concepts clés et des pistes enthousiasmantes ou rebutantes pour les collègues. Elle ne dispose pas d’une autorité quelconque sur l’auteur. Elle a donc le droit de dire « je ne sais pas ». L’idée est de penser avec les auteurs et non pas contre eux. Cela n’interdit nullement la critique, mais dans un premier temps, il ne s’agira pas de procéder à des lectures pointant tel ou tel défaut, mais plutôt d’essayer de comprendre en quoi cet auteur peut nous servir aux uns et aux autres, par-delà nos disciplines et nos terrains différents. Le décolonial est entendu comme un concept historiquement situé, que l’on pourrait définir comme processus de déprise de la colonialité du pouvoir (qu’elle soit mentale, sociale, politique, etc.). « Post », « dé » et « anti » pourront dialoguer entre eux, l’essentiel étant de dessiner des constellations théoriques pouvant produire un intellectuel collectif. |
Les séances ont été les suivantes en 2022-2023, dont des transcriptions plus ou moins libres ont été fournis sur Esquisses, le carnet de recherches du LAM, les Afriques dans le Monde, avec une catégorie dédiée.
- 10 novembre 2022 : Elara Bertho, lecture de Souleymane Bachir Diagne (l’universel latéral). Exceptionnellement dans l’amphithéâtre Papy de l’Université Bordeaux Montaigne
- 1er décembre 2022 : Michel Cahen, lecture de Walter Mignolo (le décolonial de “A Manifesto” et sa réception universitaire) et Mélanie Denef, lecture de Pablo Escobar (Au Sud de l’universel, le plurivers? Penser les études pluriverselles dans une perspective décoloniale)
- 15 décembre 2022 : Sylvère Mbondobari, lecture d’Antoine Litli (Hériter des lumières après Achille Mbembe)
- 19 janvier 2023 : Ruth Guichard et Luana Antunes Costa, Lecture de Lélia Gonzalez et Maria Lugones, pratiques militantes et décolonial
- 23 février 2023 : Natalia Guerellus, Lecture de Yuk Hui, un philosophe de la technique et sa réception au Brésil
- 23 mars 2023 : Sophie Chave Dartoen, Lecture de Amiria Salmond, ontologie maori et décolonial
Nous serons attentifs aux liens possibles du décolonial avec les pensées émergentes dans et depuis l’Afrique. Afrofuturisme, African-futurism, afrotopies, afrocentrismes panafricains sont autant de pistes actuelles qui tentent d’imaginer le futur de l’Afrique, en dehors, en marge, en maronnage de la colonialité du pouvoir. Peu se revendiquent pourtant du décolonial. Nous pensons que des croisements fructueux peuvent se créer entre les pensées sud-américaines et les imaginaires actuels de l’Afrique. Nous interrogerons ces pistes dans une journée d’études en juin 2024 qui aura pour but d’interroger l’actualité du décolonial, doublée d’une interrogation sur le renouvellement de nos méthodes en sciences humaines et sociales. Que font les penseurs du décolonial des pratiques d’enquêtes ? Quelles ouvertures sont créées ? En termes de co-écriture de la recherche, de démarches participatives, d’édition ou encore de justice épistémique de l’open access ? Autant de questions qui nous font penser et que nous essaierons d’articuler à nos pratiques actuelles, situées, de la recherche.
En 2023-2024, le séminaire gardera la même orientation générale et restera mensuel, mais invitera chaque fois que possible des auteurs à venir présenter un livre, un texte, une manière de voir.
Pour contacter le séminaire « Décolonial et Universel » et être inscrit·e sur la liste de diffusion, s’adresser à Elara Bertho (e.bertho@sciencespobordeaux.fr) et Michel Cahen (m.cahen@sciencespobordeaux.fr).
6 séances, les jeudi matin (10h20-12h30) sont prévues:
- Jeudi 23 novembre 2023 : Yala Kisukidi présente son Dialogue transatlantique (avec Djamila Ribeiro, Anacaona), en discussion avec sa traductrice en portugais, Natalia Guerellus
- Inscription obligatoire : Personnes Université Bordeaux Montaigne ici / Personnes hors Université Bordeaux Montaigne ici
- Jeudi 14 décembre 2023 : Stéphane Dufoix présente sa synthèse Décolonial (Le mot est faible, Anamosa, 2023), en discussion avec Michel Cahen
- Inscription obligatoire : Personnes Université Bordeaux Montaigne ici / Personnes hors Université Bordeaux Montaigne ici
- Jeudi 18 janvier 2024 : Lissell Quiroz présente son ouvrage Pensées décoloniales. Une introduction aux théories critiques d’Amérique latine, Zones, 2023, en discussion avec Elara Bertho
- Inscription obligatoire : Personnes Université Bordeaux Montaigne ici / Personnes hors Université Bordeaux Montaigne ici
- Jeudi 15 février : Irène Hirt présente son article « Un monde carte. Pouvoir colonial et empowerment des femmes autochtones cartographes », en discussion avec Chloé Buire
- Inscription obligatoire : Personnes Université Bordeaux Montaigne ici / Personnes hors Université Bordeaux Montaigne ici
- Jeudi 14 mars : Choix de textes par Emmanuelle Spiesse du recueil Critical Race Theory. Une introduction aux grands textes fondateurs (Dalloz, 2017), de Hourya Bentouhami et Mathias Möschel
- Inscription obligatoire : Personnes Université Bordeaux Montaigne ici / Personnes hors Université Bordeaux Montaigne ici
- Jeudi 16 mai : Sabelo Ndlovu-Gatsheni présente son ouvrage Epistemic Freedom (Routledge, 2018), en discussion avec Fiona Gedeon Achi et Sylvère Mbondobari
- Inscription obligatoire : Personnes Université Bordeaux Montaigne ici / Personnes hors Université Bordeaux Montaigne ici
OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
mshbordeaux (22 mai 2023). Présentation des séminaires “Décolonial et universel : perspectives croisées” Maison des Sciences Humaines Bordeaux. Consulté le 18 mai 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/ro0d