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Rym Fassi-Fihri

Rym Fassi-Fihri est maîtresse de conférences en droit public à l’Université de Limoges. Elle a réalisé une thèse sur les droits et libertés du numérique comme droits fondamentaux en voie d’élaboration dans une perspective comparative France/États-Unis.

Ses activités de recherches concernent principalement le droit constitutionnel et le droit des libertés fondamentales interne, européen et comparé sous l’angle particulier de la révolution numérique et de ses effets transformateurs sur le droit public.

Elle a été co-porteuse en 2023 du projet “Genre et justice : perspectives croisées” (JE GENRE ET JUSTICE) et porte en 2025 avec Carolina Cerda-Guzman le projet Drafting a Constitution in the 21th century – Lessons from Chile – CASA2025.


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Parlez-nous de votre parcours:

Après avoir effectué toute ma scolarité à l’étranger, plus précisément à Fès et Meknès au Maroc, j’ai souhaité m’inscrire à l’Université de Bordeaux afin de faire des études de droit. Je me suis par la suite spécialisée en droit public, qui se définit traditionnellement comme le droit applicable aux relations verticales (particuliers-État), par opposition au droit privé qui concerne les relations horizontales (entre personnes privées).
Ma double culture a suscité chez moi un vif intérêt pour les langues et cultures étrangères. Finalement, ce qui n’était au départ qu’un désir de découverte s’est ensuite transformé en intérêt scientifique. Cela a en partie influencé le choix de mon sujet de thèse sur les droits et libertés du numérique comme droits fondamentaux en voie d’élaboration. Il s’agit d’une étude comparée en droits français et américain.

Quelles sont les thématiques de recherche sur lesquelles vous travaillez ?

En tant que constitutionnaliste, je porte une attention particulière à la question de l’encadrement juridique du pouvoir ainsi qu’à celle de la protection des droits et libertés fondamentaux.
Cependant, mes recherches portent également sur des acteurs traditionnellement absents de la réflexion constitutionnelle, à savoir les réseaux transnationaux numériques.

Quelles sont les grandes questions qui animent les chercheurs sur le thème de la réglementation du numérique ?

Aujourd’hui, une forme de fracture existe entre les ordres juridiques sur la question de savoir s’il faut réglementer l’activité des plateformes numériques qui, depuis plusieurs années, concurrencent les pouvoirs des États dans plusieurs domaines régaliens.
Aux États-Unis, bien qu’une telle position ne soit pas unanime, les plateformes sont considérées comme un moyen d’émancipation des individus et donc comme des sujets qui doivent demeurer libres de toute réglementation juridique, en particulier depuis la réélection de Donald Trump à la présidence américaine.
En Europe, ces entreprises transnationales font depuis quelques années l’objet d’une régulation particulière, que l’on pourrait qualifier de régulation « distante » en raison du modèle retenu de compliance et des obligations de moyen qui leur sont imposées. Cependant, à l’heure actuelle, les obligations de modération ne semblent pas produire les effets escomptés.
L’enjeu est donc pour les États de trouver un équilibre entre une réglementation pleine et entière qui conduirait systématiquement à la censure des contenus voire à l’interdiction pure et simple d’un réseau social sur un territoire déterminé et l’absence de réglementation qui produirait assurément des effets délétères sur la démocratie et l’État de droit.

Est-ce qu’il y a des questions ou des travaux que vous souhaiteriez nous présenter ?

Dans le prolongement de ma thèse, j’ai récemment rédigé un article sur le « constitutionnalisme numérique » comme nouvel horizon du droit constitutionnel (RFDC, à paraître) pouvant se définir comme la projection des valeurs du constitutionnalisme (qui est une doctrine politique née dans la philosophie des lumières et qui veut que les pouvoirs publics soient limités afin que soient garanties les principales libertés de l’individu) au cas particulier des plateformes numériques.
Ce constitutionnalisme adjectivé me semble être un concept intéressant pour appréhender une nouvelle forme de puissance qui concurrence et complète le pouvoir de l’État. La question qui se pose est celle de savoir comment penser le constitutionnalisme lorsque c’est la puissance privée qui est censée être limitée et encadrée par le droit.
Sur ce point, il convient de préciser que les réponses constitutionnelles à la révolution numérique n’émergent pas nécessairement des sphères constitutionnelles traditionnelles. D’une part, les réponses peuvent provenir d’acteurs privés qui ne sont habituellement pas considérés comme des protagonistes de la théorie constitutionnelle. D’autre part, leurs effets s’éloignent des effets coercitifs des normes constitutionnelles, la plupart des Déclarations ou Chartes relatives au numérique étant déclaratoires.

 Est-ce qu’il y a des questions qui restent pour vous des énigmes en 2025 ?

Mes objets de recherche me conduisent nécessairement à m’interroger sur l’avenir et le devenir du droit comme technique d’organisation de la société. Dans notre monde actuel, peut-on légitimement s’accrocher à l’idée que le droit doit nécessairement être édicté par l’État et qu’il doit être sanctionné par lui ? Il s’agit d’une question ancienne qui anime la doctrine : l’État, comme modèle d’organisation politique, n’est-il pas dépassé ?
Je reste convaincue que si les activités transnationales des acteurs économiques sont des facteurs d’affaiblissement de la souveraineté des États, ces derniers ne doivent pas pour autant disparaitre de la scène juridique. Néanmoins, la réponse à cette question – complexe tant par son étendue que par sa portée – dépend des idéaux et idéologies qui domineront le monde de demain.


OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
mshbordeaux (17 janvier 2025). Rym Fassi-Fihri. Maison des Sciences Humaines Bordeaux. Consulté le 10 février 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/133tl


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